Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il se mit à déplier lui-même le paquet des trois mille roubles.

— Ils y sont tous, vous n’avez pas besoin de les compter. Recevez, ajouta-t-il en tendant les billets à Ivan.

Ivan s’affaissa sur sa chaise. Il était pâle comme un linge.

— Tu me fais peur, dit-il avec un étrange sourire.

— Alors vraiment, vous ne le saviez pas encore ?

— Non, je ne le savais pas, je croyais que c’était Dmitri. Ah ! Dmitri ! Dmitri !

Il prit sa tête entre ses mains.

— Écoute… Tu étais seul, sans mon frère ?

— Seul avec vous, avec vous seul. Dmitri Fédorovitch est innocent.

— C’est bien… c’est bien… Nous parlerons de moi plus tard… Mais pourquoi tremblé-je ainsi ?… Je ne puis prononcer un mot.

— Vous qui aviez tant de courage ! Tout est permis, disiez-vous. Et maintenant vous êtes si effrayé ! dit Smerdiakov avec un profond étonnement. Voudriez-vous un peu de limonade ? Je vais dire qu’on en apporte, ça rafraîchit. Mais il faudrait d’abord cacher cela.

Il désignait la liasse. Il fit un mouvement vers la porte puis posa sur l’argent un gros livre jaune ; le titre de ce livre était : Discours de notre saint Père Isaac Sirine.

— Je ne veux pas de limonade. Assieds-toi et dis-moi tout…

— Vous feriez bien d’ôter votre paletot, autrement vous aurez trop chaud en sortant.

Ivan Fédorovitch arracha son paletot et le jeta sur un banc sans se lever de sa chaise.