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mon gérant, je viens d’emprunter cinq cents roubles à Mioussov. Si j’en avais, d’ailleurs, je ne vous en donnerais pas. D’abord, je ne prête à personne. De plus, mon amitié m’eût empêchée de vous rendre un si mauvais service. Il ne vous faut qu’une seule chose : les mines ! les mines ! les mines !

— Et que le diable !... s’écria Mitia en frappant de toutes ses forces sur la table.

— Aïe ! aïe ! s’écria madame Khokhlakov.

Elle courut à l’autre bout du salon. Mitia cracha avec dégoût et sortit vivement dans la rue, dans l’obscurité. Il marchait comme un fou, se frappant la poitrine juste à l’endroit même où il s’était frappé, deux jours auparavant, en quittant Alioscha. À cette heure, il pleurait comme un enfant, lui, cet homme si robuste ! Et tout en marchant, sans savoir où il allait, il heurta quelqu’un. Un cri aigu de vieille femme retentit : il avait failli renverser la pauvre créature.

— Dieu ! il m’a presque tuée ! Comment marches-tu donc ?

— Ah ! c’est vous ! s’écria Mitia en reconnaissant dans l’obscurité la vieille domestique de Kouzma Samsonnov, qu’il avait aperçue chez son maître.

— Et vous, qui êtes-vous, mon petit père ? Je ne vous reconnais pas.

— Ne servez-vous pas chez Kouzma Samsonnov ?

— Oui, mon petit père... Mais vous, je ne puis pas vous reconnaître.

— Dites, la petite mère, est-ce que Agrafeana Alexandrovna est chez vous ? Je viens de l’y conduire moi-même.