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maudit, sous son matelas, ficelés d’une faveur rose. Ce n’est pas moi qui volerai ; je tuerai l’homme qui m’a volé. Katia, ne me méprise pas. Dmitri est un assassin, il n’est pas un voleur. Il a tué son père et il s’est perdu lui-même, parce qu’il n’a pu supporter ton mépris, et parce qu’il voulait échapper à ton amour.

« P. P. S. Je baise tes pieds. Adieu.

« P. P. S. S. Katia, prie Dieu que les gens me donnent de l’argent : alors je ne verserai pas de sang. Mais s’ils refusent, je le verserai. Tue-moi…

« Ton esclave et ton ennemi,

« D. Karamazov. »

Quand Ivan eut lu ce « document », il parut complètement convaincu. « C’est Dmitri qui a tué, et non Smerdiakov ; si ce n’est pas Smerdiakov, ce n’est donc pas moi. » Cette lettre était, à ses yeux, une preuve irréfutable.

Le lendemain, il songea encore, mais avec mépris, aux railleries de Smerdiakov, et puis il résolut de n’y plus penser.

Un mois se passa ainsi. Il entendit seulement le médecin Varvinsky dire que Smerdiakov mourrait fou. Lui-même se sentait malade et consulta le célèbre médecin que Katherina Ivanovna avait mandé de Moscou. Vers cette même époque, ses rapports avec Katherina Ivanovna se tendirent extrêmement : c’étaient comme deux ennemis amoureux l’un de l’autre. Aussi faut-il dire que parfois Katherina Ivanovna laissait voir des regrets que ce fût Mitia qui eût tué son père, et Ivan détestait pour cela Mitia. Pourtant il lui