Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tu me pensais aussi lâche que toi ?

— Excusez, oui, je pensais que vous étiez… comme moi.

— Mon frère t’accuse : il dit que c’est toi qui as tué et volé !

— En effet, que lui reste-t-il à dire ? Mais qui le croira ? toutes les charges sont contre lui ! et Grigori qui a vu la porte ouverte ? D’ailleurs, si en effet j’avais pensé à tuer, aurais-je eu la sottise de vous dire à vous, le fils de Fédor Pavlovitch, que je sais feindre l’épilepsie ? Demandez plutôt au juge si les criminels sont si naïfs !

— Écoute, dit Ivan Fédorovitch en se levant, vaincu par cette dernière objection : je ne te soupçonne pas du tout, il serait ridicule de t’accuser… Je te suis même reconnaissant de m’avoir tranquillisé à ton sujet… Je m’en vais, je reviendrai. Prompte guérison !… As-tu besoin de quelque chose ?

— Merci, Marfa Ignatievna ne m’oublie pas.

— Au revoir. Du reste, je ne dirai pas que tu sais feindre la crise, je te conseille aussi de ne pas le dire, dit Ivan comme malgré lui.

— Je vous comprends… Si vous ne le dites pas, je ne rapporterai pas non plus toute notre conversation de la porte cochère.

Ivan Fédorovitch sortit. Il n’avait pas fait dix pas dans le corridor que brusquement il s’arrêta, s’apercevant de l’injure qu’impliquait la dernière phrase de Smerdiakov. Ivan était au moment de revenir sur ses pas, mais il haussa les épaules et continua son chemin. Il se félicitait que Smerdiakov ne fût pas coupable : pourquoi ? Il ne vou-