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— Maintenant, vous pouvez partir, dit madame Khokhlakov en s’asseyant avec solennité.

— Madame, je suis si touché… et je ne sais comment vous exprimer ma gratitude… mais si vous saviez comme je suis pressé… cette somme que j’attends de votre générosité… Oh ! madame, puisque vous êtes si bonne, si généreuse, s’écria Mitia d’un air inspiré, permettez-moi de vous avouer… ce que peut-être vous savez déjà, que j’aime un être… j’ai trahi Katia… Katherina Ivanovna veux-je dire… Ah ! j’ai été inhumain, malhonnête, mais j’en aime une autre… une femme que peut-être vous méprisez, car vous savez mon histoire, mais que je ne puis abandonner, et par conséquent ces trois mille…

— Abandonnez tout, Dmitri Fédorovitch, interrompit d’un ton tranchant madame Khokhlakov. Abandonnez tout, et surtout les femmes. Votre but, ce sont les mines d’or, et il est inutile d’y mener des femmes. Plus tard, quand vous reviendrez, plein de richesse et de gloire, vous trouverez une amie de cœur dans la plus haute société. Ce sera une jeune fille du monde, savante, sans préjugés. Vers ce temps-là, précisément, la question de l’émancipation des femmes aura mûri, et l’on connaîtra une nouvelle espèce de femme…

— Madame ! ce n’est pas cela ! ce n’est pas cela ! dit Dmitri Fédorovitch en joignant les mains d’un air suppliant.

— C’est bien cela, Dmitri Fédorovitch, c’est précisément cela qu’il vous faut, ce dont vous êtes altéré sans le savoir. Je suis partisan de l’émancipation des femmes. J’ai écrit là-dessus à Stchedrine. Il m’a si souvent guidée dans