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— Comment, semblant ?…

— Innocent, va, innocent, malgré toute ton intelligence ! Je ne m’offense pas qu’il soit jaloux de moi ; je suis même ainsi faite, que sa jalousie m’est nécessaire pour que je sois heureuse. Moi-même, j’ai le cœur jaloux. Ce qui me fâche, c’est qu’il ne m’aime pas, c’est qu’il feint d’être jaloux. Suis-je aveugle ? Il parle de Katia, il dit qu’elle a fait venir pour lui un célèbre médecin de Moscou et un des premiers avocats de Pétersbourg !… Il l’aime, puisqu’il en parle tant ! C’est parce qu’il est coupable contre moi qu’il m’accuse…

Grouschegnka s’interrompit et fondit en pleurs.

— Il n’aime pas Katherina Ivanovna, dit avec fermeté Alioscha.

— J’en aurai le cœur net, dit-elle d’une voix menaçante.

Son visage s’altéra.

— Assez de sottises ! reprit-elle. Ce n’est pas pour cela que je t’ai appelé, Alioscha ; qu’arrivera-t-il demain ? voilà ce qui me torture. Il me semble que je sois seule à souffrir. Y penses-tu toi-même ? C’est demain le jugement !… Dis-moi… Mais c’est le domestique qui a tué ! Et l’on condamnera Mitia ! Et personne ne le défendra ! Je crois même qu’on n’a pas inquiété Smerdiakov, hé ?

— On l’a rigoureusement interrogé, et tous sont tombés d’accord que ce n’est pas lui. Il ne s’est pas remis des suites de sa crise, il est très-malade, extrêmement malade.

— Seigneur ! tu devrais aller chez l’avocat et lui raconter l’affaire en particulier. Il paraît qu’on lui donne trois mille roubles.