Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle n’avait pas oubliée même pendant son délire. Grouschegnka était extrêmement jalouse de Katia, bien que celle-ci, alors pourtant que cela lui était permis, n’eût pas une seule fois visité le prisonnier. Grouschegnka n’avait confiance qu’en Alioscha, mais il ne savait quel conseil lui donner.

Un jour, — Grouschegnka revenait de la prison, où, aussitôt rétablie, elle avait obtenu ses entrées auprès du prisonnier, — Alioscha, qu’elle attendait avec plus d’impatience que de coutume, se présenta chez elle. Il y avait sur la table des cartes à jouer, et, sur le divan recouvert de cuir, était dressée une sorte de lit où se tenait à demi couché Maximov, en robe de chambre et en bonnet de coton. Le pomiestchik était malade. Il habitait chez Grouschegnka depuis qu’il l’avait accompagnée, à son retour de Mokroïe : émue de compassion pour le dénûment du bouffon, elle lui avait offert le vivre et le couvert. Sauf Maximov et Alioscha, elle ne voyait personne : le vieux marchand Samsonnov était mort huit jours après l’arrestation de Mitia.

— Te voilà enfin ! s’écria-t-elle en jetant les cartes et en venant au-devant d’Alioscha. Et Maximouchka qui m’effrayait en me disant que tu ne viendrais plus ! Ah ! que j’ai besoin de toi ! Assieds-toi… Veux-tu du café ?…

— Volontiers. J’ai faim.

— Fénia ! Fénia ! du café ! Il y a longtemps qu’il attend, le café… Et des petits gâteaux ! Fénia, des petits gâteaux chauds !… Sais-tu, Alioscha, j’ai encore eu une histoire, aujourd’hui, avec ces gâteaux : je lui en ai porté, et, croirais-tu ? il les a jetés par terre et les a piétines ! — « C’est bien, lui ai-je dit, je vais les laisser aux gardes :