Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nikolay Parfenovitch était là, qui priait Mitia de lire et de signer le libellé des dépositions.

À ce moment, Mitia s’aperçut qu’on avait, pendant son sommeil, glissé un oreiller sous sa tête.

— Qui a mis là cet oreiller ? s’écria-t-il avec exaltation ; qui a eu tant de bonté ?

On eût dit que cette attention avait pour lui la valeur d’un réel bienfait.

Il s’approcha de la table et déclara qu’il était prêt à signer tout ce qu’on voudrait.

— J’ai eu un beau rêve, messieurs, dit-il d’une voix étrange.

VIII

Quand Mitia eut signé, on lui apprit qu’il était désormais en état d’arrestation et qu’on allait le ramener à la ville et le mettre en prison. Mitia leva les épaules.

— C’est bien, messieurs, je ne vous en veux pas, je suis prêt… je comprends très-bien que vous faites votre devoir… Mais attendez… Messieurs, nous sommes tous mauvais, c’est à cause de nous que pleurent les mères et les enfants qu’elles portent dans leurs bras. Qu’il soit entendu que je suis le pire de tous ; chaque jour de ma vie je me jurais de me corriger, et chaque jour me voyait faire les mêmes actions infâmes. Je comprends maintenant qu’il faut, aux êtres tels que moi, les coups de foudre de la destinée, et son lasso, une force extérieure qui les