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— Oui, dit Grouschegnka, en soupirant, je l’ai entendu.

— Une fois ou plusieurs ?

— Plusieurs fois, mais toujours dans des accès de colère.

— Croyiez-vous qu’il donnerait suite à ce projet ?

— Non, jamais, dit-elle avec fermeté.

— Messieurs, un instant ! s’écria tout à coup Mitia, me permettez-vous de dire, en votre présence, un mot seulement à Agrafeana Alexandrovna ?

— Faites.

— Agrafeana Alexandrovna, dit Mitia en se levant, crois en Dieu et en moi : je n’ai pas versé le sang de mon père.

Mitia s’assit de nouveau. Grouschegnka se leva, fit pieusement un signe de croix devant l’icône.

— Que Dieu soit loué ! dit-elle d’une voix chaude et pénétrante.

Puis s’adressant à Nikolay Parfenovitch, elle ajouta :

— Croyez ce qu’il dit ! Je le connais : il peut, par entêtement, dire je ne sais quoi, mais il ne parle jamais contre sa conscience ; croyez-le quand il affirme qu’il dit vrai.

— Merci, Agrafeana Alexandrovna, tu as relevé mon âme ! dit d’une voix vibrante Mitia.

Nikolay Parfenovitch dit à Grouschegnka que l’interrogatoire était fini, qu’elle était libre et que s’il pouvait lui être agréable en quelque chose, soit en lui procurant des chevaux, soit en l’accompagnant, il était à sa disposition.

— Merci, dit Grouschegnka en le saluant. Je partirai avec le pomiestchik Maximov. Mais si vous le permettez, j’attendrai de savoir ce que vous aurez décidé au sujet de Dmitri Fédorovitch.

Elle sortit.