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Mitia était blême.

— Je commence à vous comprendre, Dmitri Fédorovitch, dit le procureur avec sympathie. Mais tout cela… excusez-moi… tout cela vient des nerfs… Vous avez les nerfs malades. Pourquoi, par exemple, pour mettre fin à vos souffrances, nêtes-vous pas allé rendre ces quinze cents roubles ? Pourquoi, ensuite, n’avez-vous pas tenté une combinaison qui me semble toute naturelle ? Vous auriez noblement fait l’aveu de votre faiblesse à cette personne et vous lui auriez demandé à elle-même la somme dont vous aviez besoin ; vu votre situation et surtout le noble cœur de cette dame, elle ne vous aurait certainement pas refusé. N’auriez-vous pas pu lui proposer les gages dont vous parliez à madame Khokhlakov ou au marchand Samsonnov ? Ne considérez-vous pas, maintenant encore, les garanties dont vous parliez alors, comme bonnes et suffisantes ?

Mitia rougit de colère.

— Il est impossible que vous me disiez cela sérieusement ! Me croyez-vous donc descendu si bas ?

— Mais je parle très-sérieusement… Pourquoi ?…

— Mais, c’est ignoble ! Ah ! messieurs, que vous me faites souffrir ! Mais soit, lisez donc au fond de mon âme et soyez-en honteux vous-mêmes : car vous allez voir jusqu’où les sentiments humains peuvent descendre. Sachez donc, monsieur le procureur, que j’avais pensé à cette « combinaison » dont vous me parlez. J’étais résolu à aller chez Katia, tant j’étais malhonnête. Mais lui parler de ma trahison, lui demander à elle-même de l’argent et m’enfuir ensuite avec sa rivale qui l’avait offensée ? Voyons, procureur, vous êtes fou !