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sang, ce sang de Grigori : pourquoi vivre ? Je suis allé dégager mes pistolets pour pouvoir, dès le matin, me loger une balle dans la tête.

— Et, cette nuit, une fête à tout casser ?

— Et cette nuit une fête à tout casser… Que diable ! messieurs, finissons-en plus vite… J’étais décidé à me tuer à cinq heures du matin. J’avais même écrit un petit billet… Il est encore dans ma poche… Je l’ai écrit chez Perkhotine. Le voici, lisez.

Il jeta sur la table le billet plié en quatre. Les juges le lurent avec curiosité, et, comme il va sans dire, l’ajoutèrent au dossier.

— Et vous n’aviez même pas pensé à laver vos mains avant d’entrer chez Perkotine ? vous ne craigniez aucun soupçon ?

— Oh ! quel soupçon ? Qu’on me soupçonnât ou non, ça m’était bien égal. Comme je devais me tuer demain matin à cinq heures, on n’aurait eu le temps de rien faire contre moi. Sans la mort de mon père, vous n’auriez rien su et vous ne seriez pas venus ici ! C’est le diable qui s’est mêlé de tout cela ; c’est lui qui a tué mon père, et c’est lui qui vous a si vite amenés ici ! Car, comment avez-vous pu venir si vite ? C’est un prodige !

— M. Perkhotine nous a informés qu’en entrant chez lui vous teniez dans vos mains… dans vos mains ensanglantées, votre argent… une grosse somme… une liasse de billets de mille roubles. Son groom aussi vous a vu.

— En effet, messieurs, c’est vrai.

— Une petite question, dit très-doucement Nicolay Par-