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moi-même qui vous ai confié cette secrète pensée ? Non-seulement j’ai voulu, mais j’ai pu le tuer et j’ai même déclaré tout à l’heure que j’ai failli, un jour, le tuer. Mais je ne l’ai pas tué ! mon ange gardien m’a sauvé ! Pourquoi ne pouvez-vous pas comprendre ? C’est ignoble, ignoble ! Je n’ai pas tué ! je n’ai pas tué ! je n’ai pas tué ! Entendez-vous, procureur, pas tué !

Il étouffait.

— Et que vous a dit Smerdiakov ? reprit-il après un silence. Puis-je vous le demander ?

— Vous pouvez nous demander tout ce qu’il vous plaira, dit le procureur sévèrement et froidement, tout ce qui concerne l’affaire, et je vous répète qu’il est de notre devoir de répondre à toutes vos questions. Nous avons trouvé le domestique Smerdiakov sans connaissance, dans son lit, en proie à une forte crise d’épilepsie, la dixième peut-être qu’il avait eue depuis la veille. Le médecin qui nous accompagnait pense que le malade ne passera pas la nuit.

— Alors c’est le diable qui a tué mon père !

— Nous reviendrons là-dessus, dit Nicolay Parfenovitch ; voulez-vous continuer votre déposition ?

Mitia demanda quelques minutes de répit, qui lui furent accordées avec courtoisie.

Après un long silence il reprit son récit, mais on voyait que cela lui était pénible ; il était las, blessé, troublé jusqu’au fond de l’âme. Le procureur, comme exprès, se mit à l’irriter avec des « futilités ». À peine Mitia eut-il fini d’expliquer comment, étant à cheval sur le mur, il avait asséné un coup de pilon sur la tête de Grigori, puis était