vitch fut bien empêché de lui indiquer la sépulture de sa seconde femme, n’étant jamais allé au cimetière. Il ne savait même plus dans quel cimetière elle avait été enterrée.
Alioscha, plus encore que son frère Ivan, eut sur son père une influence moralisatrice. On eût dit le réveil, en ce vieillard, de bons instincts depuis longtemps endormis. « Sais-tu, lui disait-il souvent en le contemplant de bien près, que tu ressembles beaucoup à la klikouscha? » Il appelait ainsi sa seconde femme.
La tombe de la « klikouscha » fut enfin indiquée à Alioscha par Grigory, qui le mena au cimetière, et là, dans un coin écarté, lui montra une plaque en fonte, sans luxe, mais convenable, où étaient inscrits le nom et l’âge de la défunte, ainsi que sa situation sociale et l’année de sa mort. On avait même ajouté à l’épitaphe un quatrain, de cette littérature si chère aux gens de la moyenne classe : Alioscha apprit avec étonnement que c’était l’œuvre de Grigory.
Alioscha ne témoigna d’aucun excès de sentimentalité devant la tombe de sa mère. Il écouta patiemment les explications pompeuses que lui donna Grigory sur la construction du caveau et partit, la tête baissée. Il ne retourna pas une seule fois au cimetière. Cet épisode eut sur Fédor Pavlovitch un effet très-inattendu. Il prit dans sa caisse mille roubles et les porta au monastère pour qu’on dît des prières pour sa femme, non pas la seconde, la mère d’Alioscha, la klikouscha, mais la première, Adélaïde Ivanovna, celle qui le battait. Le même soir, il se grisa et accabla d’injures les moines devant Alioscha. La religion, comme on dit, ne l’étouffait pas.