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actualité. Le principal intérêt était dans le ton et dans l’inattendu de la conclusion. La plupart des ecclésiastiques considérèrent Ivan comme leur défenseur, et les athées de leur côté l’applaudirent également. Enfin quelques clairvoyants comprirent qu’il n’y avait là qu’une farce insolente, une énorme raillerie. Je relate le fait parce qu’il parvint jusqu’à notre célèbre couvent où, naturellement, on s’intéressait à la question. Quand on sut le nom de l’auteur, tous les habitants du district se félicitèrent de l’avoir pour compatriote. Mais on s’étonna qu’il fût le fils de ce Fédor Pavlovitch ! C’est à cette époque, précisément, que l’auteur lui-même arriva parmi nous. Et que diable venait-il faire ? Car comment comprendre qu’un jeune homme tel que lui, riche d’avenir, très-correct extérieurement, vînt dans une maison mal famée comme celle de Fédor Pavlovitch ? Ajoutez que, jusqu’alors, Fédor Pavlovitch ne s’était jamais occupé de son fils et ne l’avait jamais aidé d’aucune manière. Pourtant Ivan élut domicile chez son père et y passa deux mois dans les meilleurs termes avec lui. Tout le monde en fut très-étonné, et plus que personne Petre Alexandrovitch Mioussov, le parent de Fédor Pavlovitch. Il s’était, en ce temps-là, installé dans notre ville et s’intéressait beaucoup au jeune homme… « Il a de l’ambition, disait-il, il n’est pas homme à se laisser manquer jamais d’argent ; il possède deux mille roubles qui lui permettraient de voyager à l’étranger : que fait- il donc ici ? Certes, ce n’est pas l’intérêt qui l’y a amené, car il sait très-bien que son père ne lui donnera pas d’argent. Il n’aime ni boire ni faire la débauche, et pourtant le vieux ne peut plus se passer de lui ! » L’influence du jeune