Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vitch, que c’est là votre meilleur titre de noblesse, tant la joie perce sous votre chagrin », lui disait-on.

Enfin, il retrouva les traces d’Adélaïda Ivanovna. La malheureuse vivait à Saint-Pétersbourg avec son séminariste, en train de s’émanciper complètement. Fédor Pavlovitch se disposa à la poursuivre, il ne savait lui-même dans quel but. Mais avant son départ, il pensa pouvoir s’accorder quelques jours de la plus crapuleuse débauche : sur ces entrefaites survint la nouvelle de la mort d’Adélaïda Ivanovna. De quoi était-elle morte ? De maladie ? de faim ? Les uns racontent que Fédor Pavlovitch, quand il apprit cette nouvelle, courut à travers les rues en criant de joie, tout heureux d’être délivré. D’autres prétendent qu’il pleura à chaudes larmes comme un enfant. Les uns et les autres ont peut-être raison. La plupart des scélérats ont, comme nous-mêmes, plus de naïveté et de bonté qu’on ne le pense généralement.

II

On peut s’imaginer quel père et quel éducateur dut être un pareil homme. Comme il était facile de le prévoir, il abandonna le fils qu’il avait eu d’Adélaïda Ivanovna : non qu’il le détestât particulièrement ou qu’il eût quelque doute sur son authenticité ; sans aucun motif et tout simplement, il l’oublia.

Et tandis qu’il importunait tout le monde de ses jéré-