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VII

Au moment où Mioussov et Ivan entraient chez le supérieur, Petre Alexandrovitch était à demi calmé. On ne pouvait, songeait-il, faire aucun reproche aux moines ; toute la faute était à Fédor Pavlovitch, un si dégoûtant personnage qu’il n’y avait pas moyen de se formaliser avec lui. Le Père Nikolaï était ou devait être d’extraction noble. Pourquoi ne pas se conduire avec ces bonnes gens selon les règles de la plus stricte politesse ? Ne devait-il pas leur prouver que lui, Mioussov, n’avait rien de commun avec cet Ésope, ce bouffon, ce Pierrot ? Ne ferait-il même pas sagement, d’autant plus que le profit, en cas de gain, serait mince, de renoncer au procès qu’il avait jadis intenté aux moines pour je ne sais quels droits de chasse et de pêche ? — Ses bonnes intentions s’affermirent encore après qu’il fut entré dans la salle à manger :

Ce n’était pas une salle à manger proprement dite, tout l’appartement du Père supérieur se composant de deux chambres, plus vastes, il est vrai, que celle du starets. L’ameublement n’était pas très-confortable non plus. Des meubles acajou et cuir, du style démodé de 1820 ; le parquet n’était pas même peint[1]. En revanche, tout reluisait

  1. Jusqu’à ces derniers temps, les parquets en Russie étaient peints et non cirés.