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qu’on vient de dévoiler devant nous ; du moins, je ne voulais pas y croire… Un père jaloux de son fils à cause d’une femme de mauvaises mœurs et s’entendant avec cette créature pour faire mettre son fils en prison !… Et c’est en cette compagnie que je suis ici ! On m’a trompé ! je déclare hautement qu’on m’a trompé…

— Dmitri Fédorovitch, gémit d’une voix inouïe Fédor Pavlovitch, si vous n’étiez pas mon fils, je vous provoquerais en duel… au pistolet, à trois pas… à travers un mouchoir ! À travers un mouchoir ! répéta-t-il en frappant du pied.

Dmitri Fédorovitch fronça les sourcils et regarda son père avec mépris.

— Je rêvais… je révais, dit-il d’une voix douce et retenue, de revenir dans mon pays, avec l’ange de mon amour, ma fiancée, et d’adoucir les derniers jours de ce vieillard… mais je n’ai trouvé qu’un sale débauché, doublé d’un vil comédien !

— En duel ! s’écria de nouveau Fédor Pavlovitch d’une voix étranglée en crachant de la salive avec chaque mot. Vous, Petre Alexandrovitch Mioussov, sachez, monsieur, que peut-être dans tous vos ancêtres il n’y a pas eu de femme aussi honnête que celle dont vous avez osé dire qu’elle est une créature de mauvaises mœurs ! Et vous, Dmitri Fédorovitch, n’avez-vous pas vous-même sacrifié votre fiancée à cette « créature » ? C’est donc que votre fiancée, à vos propres yeux, ne vaut pas la plante des pieds de cette « vile créature » !

— Quelle infamie ! dit tout à coup un des moines, le Père lossif.

— Pourquoi vit un tel homme ? murmura comme en