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qu’il était sincère, et que Dmitri voulait par là témoigner de ses bonnes intentions.

Fédor Pavlovitch parut d’abord décontenancé. Mais presque aussitôt il reprit possession de lui-même. Pour répondre au salut de son fils, il se leva de son fauteuil, et gravement fit, lui aussi, un salut très-profond et très-solennel. Son visage était tout à coup devenu sérieux et imposant, mais cette impression, à vrai dire, demeurait plus maligne que majestueuse. Dmitri Fédorovitch fit ensuite un silencieux salut général aux autres personnes présentes, puis il s’approcha de la fenêtre, s’assit et se prépara à écouter la conversation qu’il avait interrompue. Elle continua avec le même entrain, mais Petre Alexandrovitch négligea de répondre à la question pressante du Père Païssi.

— Permettez-moi d’éviter ce sujet, dit-il avec une sorte de laisser-aller d’homme du monde. Tout cela est très-compliqué… Mais je vois sourire Ivan Fédorovitch, il a sans doute quelque chose d’intéressant à nous dire : interrogez-le donc de préférence à moi.

— Oh !… une simple remarque, répondit Ivan. En général, le libéralisme européen et même notre dilettantisme confondent les buts du socialisme et du christianisme. La même confusion est souvent commise par les gendarmes. Votre anecdote parisienne est très-caractéristique, Petre Alexandrovitch.

— Je demande encore une fois la permission de laisser là ce sujet, dit Mioussov, j’aimerais mieux vous conter une autre anecdote, bien plus caractéristique encore, et qui concerne Ivan Fédorovitch lui-même. Pas plus tard qu’il y