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LES FRÈRES KARAMAZOV. 287

me crois-tu devenue plus sage? Non. Personne au monde ne sait que, lorsque tombe la nuit, je pleure comme il y a cinq ans, je me désole toute la nuit en me répétant : fJe me vengerai! Je me vengerai I » Comprends -moi. Il y a quatre semaines, je reçois une lettre : il vient, il est veuf, il veut me voir 1 La respiration me manque, sei- gneur ! il n'a qu'à m'appeler et je ramperai vers lui comme un chien battu, comme une coupable ! Je n'y peux croire moi-même : suis-je donc tombée si bas? Irai-je à lui ou non? Et la colère me prend, une colère pire que ma fameuse colère d'il y a cinq ans. Vois-tu, Alioscha, comme je suis violente? Je me suis amusée de Mitia pour m'em- pècher d'aller voir l'autre. Et je restais ici, avant votre arrivée, à penser à mon avenir, et tu ne peux savoir quel poids j'avais sur le cœur. Oui, Alioscha, dis à la barichnia de me pardonner. . . Personne ne sait dans quel état je suis maintenant, personne ne peut le savoir. Peut-être irai-je chez lui avec un couteau, mais je n'ai rien décidé en- core...

Grouschegnka ne pouvait se contenir. Elle se jeta contre le divan, la face dans les coussins et se mit à pleurer comme un enfant. Ahoscha se leva et se rapprocha de Rakitine.

— Mischa, dit-il, ne sois pas fâché! Elle t'a offensé, mais ne sois pas fâché! As-tu entendu ce qu'elle vient de dire ? Et en effet, on ne peut demander trop à une âme, il faut être miséricordieux...

AUoscha prononça ces paroles comme malgré lui. Il les aurait dites, eût-il été seul. Mais Rakitine le regarda ironi- quement.

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