ton sujet des pensées mauvaises ! Je suis vile, ardente, et parfois pourtant, Alioscha, je te regardais comme une conscience vivante et je me disais : « Comme un tel homme doit me mépriser ! » J’y pensais avant-hier en me sauvant de chez la barichnia. Mitia le sait, je le lui ai dit et il me comprend…]
Fénia entra, posa sur la table un plateau contenant une bouteille et trois verres pleins.
— Voilà le Champagne ! s’écria Rakitine.
Il s’approcha de la table, prit un verre, le vida et le remplit de nouveau.
— Ces occasions-là sont rares, dit-il. Allons, Alioscha, prends ton verre et bois. Mais à qui boirons-nous ? Aux portes du paradis ! Prends aussi ton verre, Grouschka, buvons tous aux portes du paradis.
— Qu’est-ce que c’est que tes portes du paradis ?
Elle prit son verre, Alioscha fit comme elle, trempa ses lèvres dans le vin et reposa le verre.
— Non, j’aime mieux ne pas boire, dit-il avec un doux sourire.
— Ah ! ah ! il se vantait, cria Rakitine.
— Moi non plus, alors ! dit Grouschegnka. Bois tout seul, Rakitka. Si Ahoscha ne boit pas, je ne boirai pas.
— Ah ! voilà les sentimentalités qui commencent ! et pourtant elle est assise sur ses genoux !… Admettons, il a un chagrin, lui ; mais toi, qu’as-tu ? Lui, il est révolté contre Dieu ; il allait, parole ! manger du saucisson !
— Pourquoi donc ?
— Son starets est mort aujourd’hui, le starets Zossima, le saint homme…