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— Au contraire, tu peux me servir à merveille, je vais l’expliquer...

— Eh! je n’ai pas le temps, laissez-moi.

— Eh ! Ivan, rends-moi ce service, je m’en souviendrai. Mais vous êtes sans cœur, tous ! Qu’est-ce que cela peut te faire, un jour ou deux? Où vas-tu? A Moscou? BastI Moscou ne va pas s’écrouler! J’aurais bien envoyé Alioscha, mais il est trop jeune...

— Alors vous me poussez vous-même à cette maudite Tchermachnia, dit Ivan avec un sourire mauvais.

Fédor Pavlovitch ne remarqua pas. ou ne voulut pas remarquer ce jeu de physionomie.

— Tu y vas ! Tu y vas ! Je vais te donner tout de suite un mot d’écrit.

— Je ne sais pas si jirai, je déciderai tout cela en route.

— Pourquoi, en route? Décide-toi tout de suite, mon ami...

Le vieux était plein de joie. Il écrivit aussitôt un billet, envoya chercher les chevaux. Puis on servit à manger. Fédor Pavlovitch était ordinairement expansif dans ses moments de joie. Mais, cette fois, il semblait se contenir : pas un mot à propos de Dmitri Fédérovitch, ni à propos du départ de son second fils. « Je le gênais », pensait Ivan.

En accompagnant son fils, le vieux s’agita comme s’il eût voulu se jeter à son cou. Mais Ivan lui tendit la main, pour prévenir cette étreinte. Le vieux comprit.

— Avec Dieu ! avec Dieu ! répétait-il du haut du perron. Tu reviendras! Je serai toujours heureux de te revoir. Que le Christ soit avec toi !

Ivan Fédérovich monta en voiture.