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est impossible, — même si nous devions nous rencontrer encore, plus un mot au sujet de ces choses, je t’en prie expressément. Ne parlons plus de Dmitri non plus, jamais, je te le demande, jamais ! répéta-t-il avec irritation. Tout est dit, tout est fini. De mon côté, je te promets que, lorsque la trentième année sera venue, lorsque sonnera l’heure de jeter là coupe, je viendrai te parler encore, où que je sois, fût-ce en Amérique. D’ailleurs . j’aurai un grand intérêt à te revoir alors. C’est une promesse solennelle. Nous nous disons adieu pour sept, pour dix ans peut-être. Va chez ton paier seraphicus. Il se meurt, je crois ? Tu m’en voudrais s’il mourait sans te revoir. Adieu ; embrasse-moi encore une fois, et maintenant va-t’en!...

Ivan se détourna brusquement et partit sans regarder en arrière. Ce départ ressemblait à celui de Dmitri. Cette observation passa comme une flèche dans l’esprit attristé d'Alioscha. Il suivit quelques instants du regard son frère. Tout à coup, il remarqua qu’Ivan marchait en se dandinant, et qu’il avait l’épaule gauche plus haute que la droite. Alioscha fit demi-tour, et s’en alla presque en courant au monastère.

La nuit tombait. Alioscha se sentait rempli d’inquiétude, c’était comme un pressentiment. Un souffle s’éleva, et les sapins centenaires se balançaient , mornes , autour de lui, quand il entra dans la forêt qui conduit au monastère. Il courait toujours.

— Pater seraphicus .. où a-t-il pris cela ?... Ivan, pauvre Ivan, quand te reverrai-je ?... Voici le monastère, Seigneur! Oui, c’est lui, c’est le paier seraphicus qui me sauvera.