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— Soit, oui !... Peut-être y échapperai-je jusqu’à trente ans; mais ensuite...

— Mais comment pourras-tu y échapper ? C’est impossible, avec tes idées 1

— Eh I toujours en Karamazov !

— « Tout est permis >, n’est-ce pas?

Ivan fronça le sourcil et pâlit.

— Tu as saisi au vol, hier, ce mot dont Mioussov s’est tant offensé... et que Dmitri a si naïvement répété. Soit, tout est permis , je ne me rétracte pas ; d’ailleurs , la formule de Mitegnka est assez bonne.

Alioscha le considérait en silence.

— Je pensais, tout en faisant mes préparatifs de départ, que je n’ai que toi au monde, reprit Ivan d’une voix pro- fonde. Mais je vois maintenant que dans ton cœur non plus il n’y a pas de place pour moi, mon cher novice. Je ne renie pas la formule de Dmitri, et c’est pour cela que tu me renies, toi, n’est-ce pas ?

Alioscha vint à lui et le baisa doucement sur les lèvres.

— C’est un plagiat 1 s’écria Ivan transporté : tu as pris cela dans mon poëme. Je te remercie pourtant. Maintenant partons , il est temps pour toi et pour moi.

Ils sortirent. Sur le perron, ils s’arrêtèrent.

— Écoute, Alioscha, dit Ivan d’une voix ferme. Si j’ai la force d’aimer encore les feuilles du printemps , je ne le devrai qu’à ton souvenir. Il me suffira de savoir que tu es ici, quelque part, pour aimer encore la vie. Si tu veux, prends cela pour une déclaration d’amitié. Adieu , voici ton chemin, voilà le mien. Assez, entends-tu, assez ! C’est-à-dire que, même si je ne partais pas demain, — ce qui