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assisté à toute la scène : le cercueil déposé devant l’étranger, la résurrection de la jeune fille, il a tout vu , et son visage s’assombrit. Il froncé ses épais sourcils blancs, et ses yeux luisent d’un éclat funeste. Il LE désigne du doigt aux estafiers, et ordonne de le saisir : telle est sa puissance et telle l’habitude du peuple de se soumettre en tremblant devant lui qu’aussitôt la fouie s’écarte, un silence de mort règne, et les sbires L’appréhendent et L’emmènent. Comme un seul homme, tout ce peuple s’incline jusqu’à terre devant le vieillard qui le bénit sans parler et reprend son chemin. Les estafiers conduisent le prisonnier à la prison de la sainte Inquisition; IL est enfermé dans une cellule étroite et ténébreuse. La journée s’achève : c’est la nuit, une nuit espagnole, sans lune, chaude, étouffante. L’atmosphère est saturée de l’odeur des lauriers et des citronniers. Tout à coup, dans les ténèbres, la porte de fer du cachot s’ouvre : entre le grand inquisiteur lui-même, une lampe à la main. Il s’avance avec lenteur. Il est seul. La porte se referme derrière lui. H sarrête sur le seuil, et longuement, durant deux minutes, il considère le prisonnier. Enfin il s’approche doucement, dépose la lampe sur la table et parle.

— C’est TOI ? TOI ?

Mais il n’attend pas la réponse et se hâte de poursuivre :

— Ne parle pas, tais-toi. D’ailleurs, que dirais-tu? Je le sais trop bien, ce que tu dirais. Mais tu n’as pas le droit d’ajouter un seul mot à ce que tu as déjà dit. Pourquoi es- tu venu nous déranger? Car tu nous déranges, tu le sais bien. Mais sais-tu ce qui arrivera dès demain ? Je