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maient la petite dans le cabinet d’aisances, sous prétexte qu’elle ne demandait pas à temps, la nuit, qu’on la fît sortir. Us lui barbouillaient le visage d’excréments, et sa mère la forçait à les manger, sa mère, sa propre mère ! et cette mère dormait paisiblement aux cris de si fille ! Comprends-tu ? Vois-tu ce petit être qui ne sait pas encore penser, le vois-tu frapper de ses petits poings sa poitrine haletante et en pleurant des larmes de sang crier vers « le bon Dieu », lui demander secours? Comprends-tu, novice de ce bon Dieu, comprends-tu le but de tout cela ? On dit que tout cela est nécessaire pour établir dans l’esprit de l’homme la distinction du bien et du mal : mais à quoi bon cette diabolique distinction, si elle coûte si cher? Toute la science du monde ne vaut pas les larmes des enfants. Je ne parle pas des souffrances des adultes; mais ces petits enfants, cette petite fille 1 Je te fais souffrir, Alioscha? Je vois que tu es mal à l’aise. Préfères-tu que je me taise ?

— Non, je veux souffrir, murmura Alioscha.

— Encore un petit tableau par curiosité, il est si caractéristique! Je viens de lire cela dans une de nos Revues historiques, l’Arkiv ou la Siarina ’, je ne sais plus. C était au moment le plus dur de notre servitude, dans les commencements du peuple : — Vive le Tzar libérateur ’I Un général, de grandes relations , très-riche pomiestchik , de ces individus convaincus qu’ils ont droit de vie et de mort sur leurs subordonnés , vivait dans une de ses pro-

’ Rousski-Arkiv et Rouskaia-Starina : l'Archive russe et l'Antiquité russe.

  • Nom populaire du tzar Alexaodre II.