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peu honteux de sa maladresse, entoura de son mouchoir sa main d'où le sang coulait en abondance, et reprit son chemin.

Mais cet incident donna un autre cours à ses pensées.

Au lieu, comme on aurait pu s'y attendre, que la douleur physique les assombrît encore, il se sentait dans l'âme une paix inattendue, et un sourire détendait ses traits fatigués. — le même sourire, discrètement joyeux, qu'il avait eu en achevant de lire la lettre de Liza…

Quelques minutes après, il entrait chez les Khokhlakov, qui habitaient une des maisons les plus élégantes de la ville ; madame Khokhlakov accourut à la rencontre d'Alioscha.

— Savez-vous que Katherina Ivanovna est chez nous ?

— Quelle heureuse rencontre ! s'écria Alioscha. Je lui avais promis d'aller la voir aujourd'hui.

— Je sais tout ! Je connais tous les détails de ce qui s'est passé hier, avec cette vile créature. C'est tragique ! A sa place... Je ne sais ce que j'aurais fait à sa place ! Avouez que votre frère est étonnant ! Il est ici actuellement… allons, je m'embrouille, ce n'est pas le terrible Dmitri, c'est Ivan Fédorovitch que je veux dire. Il a présentement avec elle une conversation solennelle. Et si vous saviez ce qui se passe entre eux ! C'est terrible ! Quelle invraisemblable histoire ! Ils se rendent malheureux à plaisir, sans savoir pourquoi. Je vous attendais, j'avais besoin de vous voir ; je ne peux plus supporter cela, je vais tout vous dire. Mais voici l'important… ah ! j'allais oublier ! Pourquoi Liza a-t-elle eu une crise nerveuse dès qu'elle a entendu dire que vous arriviez ?

— Maman, c'est vous qui avez une crise maintenant,