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LES FRÈRES KARAMAZOV. 15T

Dans la cellule veillaient le novice Porfiry et l'archi- prêtre, le Père Païssi. qui, toute la journée, était venu, à chaque heure, prendre des nouvelles du Père Zossima. Le starets allait de pis en pis , comme Alioscha l'apprit avec douleur.

— Il s'affaiblit, il somnole, dit doucement le Père Païssi à Alioscha. On peut à peine le réveiller. Bailleurs, à quoi bon? Il s'est réveillé tout à l'heure pour cinq minutes et a demandé qu'on portât sa bénédiction à la communauté, afin qu'elle priât pour lui. Il a parlé de toi, Alexey. Il a demandé où tu étais; on lui a dit que tu étais allé à la ville. « Qu'il soit béni, a-t-il dit; là-bas est sa place, non pas ici. » Tu es un de ses grands soucis : vois quel hon- neur pour toi! Mais comment t'assigne-t-ilune place dans le monde? Il lit sans doute dans tes destinées. Mais ton passage dans le monde sera pour toi une épreuve , com- prends-le , Alexey. Ne crois pas que le starets entende te livrer aux pompes et aux œuvres du siècle...

Le Père Païssi sortit. Alioscha ne doutait pas que le starets ne touchât à ses derniers instants. Peut-être pro- longerait-on sa vie d'un jour ou deux. AUoscha décida que, malgré qu'il eût promis de revoir son père, son frère, les Khokhlakov et Katherina Kanovna , il ne sortirait pas le lendemain du monastère, et resterait auprès du starets jusqu'à sa fin. Il se reprochait amèrement d'avoir pu un seul instant, là-bas, dans la ville, oublier le saint qui gisait sur son lit de mort. Il entra dans la chambre à coucher du starets, s'agenouilla et salua jusqu'à terre le mourant. Le starets dormait doucement; à peine entendait-on sa respiration. Son visage était calme. Retournant dans

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