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Il serra fortement la main d’Alioscha sans relever la tête, et se dirigea à grands pas vers la ville. Alioscha le suivit du regard, ne pouvant croire ce départ définitif.

— Alexey, encore un mot, à toi seul, dit Dmitri, qui en effet revint sur ses pas. Regarde-moi bien : vois-tu, ici, je tiens en réserve la plus abominable des infamies, ici...

En disant ici, Dmitri se frappait la poitrine. Sa physionomie était indescriptible.

— Tu me connais, je suis un misérable, un assuré misérable ; mais quoi que j’aie fait et quoi que je puisse faire encore, rien n’égale l’infamie que je porte maintenant sur ma poitrine, l’infamie que je pourrais étouffer, remarque-le , mais que je n’étoufferai pas. Non! je la commettrai, sache-le bien! Si j’y renonçais, je pourrais reconquérir toute mon honnêteté; mais je n’y renoncerai pas. Je réaliserai mon ignoble dessein , et sois-moi témoin que je te le dis dès maintenant. L’abîme! la nuit! Iimtile de t’expliquer... Le temps t’apprendra. La boue et l’enfer I Adieu. Ne prie pas pour moi, je n’en suis pas digne. D’ailleurs, c’est inutile, je ne veux pas de prières! Sors de mon chemin!

Et il partit, cotte fois, vraiment...

Alioscha s’en alla au monastère.

« Quoi ! Je ne le verrais plus ?... Dès demain j’irai le chercher !... Que dit-il ?... »

Il avait encore le cœur serré quand il entra au monastère.

« Pourquoi ? pourquoi en était-il sorti ? Pourquoi l’avait-on envoyé dans le monde ? Ici le repos, la sainteté ; là le trouble, la nuit inextricable... »