LES FRERES KARAMAZOV. 153
— Tu as failli le tuer... tu l'as maudit... et voilà que maintenant, ici... tu plaisantes! « La bourse ou la vie!,.. »
— Et puis? C'est inconvenant?
— Mais non... c'est...
— Attends! Regarde cette nuit, vois comme elle est morne ; ces nuages, ce vent. . . Je me cache ici, sous cet orme , et je t'attends eu réfléchissant, en me disant (Dieu me soit témoin ! ) : A quoi bon me tourmenter encore? voilà larb re : la corde — mouchoir ou chemise — sera bientôt faite... Ce sera bientôt fait de débarrasser de moi la terre... Je t'en- tends marcher... Dieu! il me semble qu'un peu de bon- heur tombe en moi ; je me dis : Il y a donc au monde un homme que j'aime! Le voici, ce petit homme, ce cher petit frère que j'aime plus que tout au monde, le seul être que j'aime véritablement ! Je t'aimais si fort, en ce moment, que je voulus me jeter à ton cou. iMais une idée sotte me vint : Je vais lui faire peur ! et j'ai crié comme un imbé- cile : « La bourse ! » Pardonne-moi... Au fond de l'âme... j'ai le sentiment de ma situation. Mais parle maintenant : qu'a-t-elle dit ? Écrase-moi, frappe-moi, ne me ménage pas. Elle est furieuse?
— Non, au contraire... II y avait quelque chose là, Mitia, que tu ne soupçonnes pas. — Je les ai trouvées toutes deux.
— Qui, toutes deux?
— Grouschegnka et Katherina Ivanovna
Dmitri Fédorovitch resta stupéfait.
— Ce n'est pas possible! Tu rêves! Grouschegnka chez...
9.
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