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que vous aurez visité le monastère, à une heure, pas plus tard. Vous aussi, ajouta-t-il en s’adressant au pomiestchik de Toula.

Le pomiestchik se rendit aussitôt chez le supérieur, et le moine se chargea de guider les étrangers.

Ils traversèrent un petit bois.

— Voilà la retraite ! s’écria Fédor Pavlovitch, nous y sommes. La porte est fermée…

Il se mit à faire de grands signes de croix devant les saints figurés en peinture au-dessus et sur les côtés de la porte cochère.

— Il y en a vingt-cinq, dit-il, qui se regardent les uns les autres en mangeant de la choucroute. Pas une femme n’a jamais franchi ce seuil ! Est-ce étonnant ! Et c’est vrai ? Pourtant, on dit que le starets reçoit aussi les dames. Comment cela se fait-il ? demanda-t-il tout à coup au moine.

— En effet, des paysannes ; voyez, il y en a maintenant même qui attendent. Quant aux dames de la haute société, on a construit ici dans la galerie, hors de l’enceinte, deux cellules dont vous voyez les fenêtres : c’est à travers ces fenêtres que le starets leur parle… Tenez, voici une pomiestchitsa de Kharkov qui l’attend avec sa fille malade. Il leur a sans doute promis de les entendre, quoique, depuis quelque temps, il soit très-affaibli et sorte rarement.

— Il y a donc tout de même une porte pour les barinias, dans ce sanctuaire ?… N’allez pas croire, saint Père, que je dis cela par malice, non ! Mais au couvent d’Athènes, non-seulement les femmes n’entrent pas, mais on n’y tolère rien de féminin, ni poules, ni dindes, ni génisses…

— Fédor Pavlovitch, dit Mioussov, si vous ne cessez