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— Demain, je vais chez les Khokhlakov, et peut-être aussi chez Katherina Ivanovna, si je ne la trouve pas chez elle maintenant.

— Tu vas donc chez elle ? C’est pour la saluer ? pour la saluer ? dit Ivan en souriant.

Alioscha resta confus.

— Je crois avoir compris les exclamations de Dmitri. Il t’a prié d’aller chez elle lui dire de… eh bien… en un mot, d’en finir…

— Frère, qu’adviendra-t-il de tout cela ?

— C’est difficile à dire. Cette femme est une bête fauve. Il faut empêcher le vieux de sortir et Dmitri d’entrer.

— Frère, permets-moi encore de te demander si un homme a le droit de juger ses semblables et de décider qui mérite de vivre et qui mérite de mourir.

— Pourquoi cette philosophie ? Les qualités respectives des individus ne sont pas ce qui importe dans une telle question ; quant au droit… eh ! qui n’a pas le droit de désirer ?

— Désirer la mort d’autrui ?

— Même la mort ! pourquoi mentir ? Tu fais allusion à mes paroles de tout à l’heure, n’est-ce pas ? Me crois-tu, comme Dmitri, capable de verser le sang d’Ésope, — oui, de le tuer ?

— Que dis-tu, Ivan ? Jamais cette pensée ne m’est venue. Je n’en aurais pas cru Dmitri lui-même capable.

— Merci, dit Ivan en souriant. Sache que je défendrai toujours le vieux. Quant à mes désirs, je leur laisse toute liberté. À demain. Ne me juge pas mal, ne me prends pas pour un scélérat.