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134 LES FRERES KARAMAZOV.

— Je le lavais dans sa petite baignoire quand il était enfant... Il a osé... répétait Grigory.

— Diable 1 sans moi , il l'aurait tué. Il n'en faut pas beaucoup pour Ésope, dit tout bas Ivan à Alioscha.

— Que Dieu le sauve ! fît Alioscha.

— Et pourquoi le sauver? continua Ivan à voix basse, le visage bouleversé par la haine. Que les reptiles se dévorent entre eux, ce sera bien!

Alioscha tressaillit.

— Certes, je ne le laisserai pas accomplir un crime, je l'en ai empêché tout à l'heure. Reste ici , Alioscha. Je vais dans la cour, j'ai mal à la tète.

Alioscha alla chez son père et s'assit à son chevet pen- dant près d'une heure.

Le vieux ouvrit tout à coup les yeux et longtemps regarda Alioscha sans parler, s'ellorçant évidemment de rassembler ses souvenirs. Une émotion extraordinaire se peignait sur son visage.

— Ahoscha, dit-il à voix basse, où est Ivan?

— Dans la cour; il a mal à la tête. Il veille sur nous.

— Donne-moi la petite glace... là.

Alioscha lui donna une petite glace qui se trouvait sur la commode.

Le vieux se regarda, et vit son nez très-enflé et sur son front, au-dessus du sourcil gauche, une grande tache de sang caillé.

— Que dit Ivan ? Alioscha, mon cher, mon fils unique, j'ai peur d'Ivan. Je le crains plus que l'autre. Il n'y a que toi que je ne craigne pas...

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