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LES FRÈRES KARAMAZOV. 127

t Si je n'avais pas mal aux jambes , nous dit-il , je vous danserais une certaine danse. » Qu'en dites- vous? « J'ai fait la noce, moi aussi », ajouta-t-il. Il a volé au négociant Dimidor soixante mille roubles.

— Comment? volé?

— L'autre les lui avait confiés, comme à un honnête homme, pour vingt-quatre heures. Le vieux a tout gardé. « Tu les as donnés pour l'église », a-t-il répondu... Mais je me trompe, l'histoire est d'un autre; je n'y suis plus. Encore un petit verre, et c'est fini. Prends la bouteille, Ivan; pourquoi ne m'as-tu pas empêché de mentir?

— Je pensais que vous vous arrêteriez de vous-même.

— C'est faux, c'est par méchanceté que tu m'as laissé dire. Tu me méprises, n'est-ce pas? Tu es venu pour me montrer combien tu me méprises !

— Eh bien, je m'en irai demain. Je crois que le cognac commence à vous impressionner.

L'ivresse de Fédor Pavlovitch, en effet, s'accentuait.

— Qu'as-tu à me regarder ainsi? Tes yeux me disent : « Tu es soûl. » Il y a de la méfiance, du mépris dans tes yeux. Vois comme ceux d'Alioscha sont sereins , il n'y a pas de mépris dans ses yeux. Alexey, n'aime pas Ivan...

— Cessez d'offenser mon frère, dit tout à coup Alioscha d'un ton décidé.

— Soit. J'ai mal à la tête... Ah! que j'ai mal! Pour la troisième fois, je te dis, Ivan, d'enlever le cognac.

Il resta rêveur, et soudain se mit à rire.

— Ne te fâche pas, Ivan. Tu me hais, je le sais; mais ne te fâche pas. Je ne mérite pas qu'on m'aime. Je t'en- verrai faire un petit voyage , et puis j'irai le chercher.

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