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LES FRÈRES KARAMAZOV. 106

audace ! » Elle partit indignée, et je lui criai, pendant qu'elle s'en allait, que je garderais sûrement le secret. Ces deux babas. Agafia et sa tante, étaient de véritables anges, elles adoraient Katia. Agafia conta à sa sœur, je l'appris par la suite, notre conversation. C'est précisément ce qu'il me fallait. Là-dessus arrive un nouveau major pour prendre le commandement du détachement. Le vieux colonel tombe malade, il garde le lit quarante-huit heures durant, et néglige de rendre la caisse. Le médecin assure que la mala- die n'est pas feinte. Mais je savais que, depuis quatre ans, le colonel avait l'habitude, aussitôt après les inspections générales, de faire disparaître une certaine somme pour (luelque temps. Il la prêtait à un marchand qui la mettait en circulation et la rendait ensuite, intégralement, au colonel, avec une bonne main. Cette fois, le marchand ne l'avait pas rendue. Aux réclamations du colonel le coquin avait répondu : « Je n'ai rien reçu de vous. » Le pauvre homme restait donc enfermé chez lui, la tète entourée d'un bandeau, se faisant sans cesse mettre de la glace sur le crâne. Vient une ordonnance portant l'ordre de rendre la caisse d'État dans deux heures au plus tard. Le colonel signe sur le livre, se lève, et dit qu'il va mettre son uni- forme. Il court dans son cabinet, prend son fusil de chasse, le charge d'une cartouche de guerre, déchausse son pied droit, applique le canon sur sa poitrine et tâtonne du pied pour faire partir le chien. Mais Agafia, qui soupçonnait quelque chose , entre furtivement , se jette sur lui par derrière et le saisit vivement dans ses bras : le fusil part sans atteindre personne. On accourt au bruit, on contient le malade... A cette heure-là, le soir tombait, j'étais chez

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