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LES FRÈRES KARAMAZOV. 103

lait Agafia, imagine-toi! Agafia Ivanovna. Assez jolie, Russe pur sang, grande, bien faite, de beaux yeux avec une expression assez commune. Elle ne voulait pas se marier, quoique deux jeunes gens eussent recherché son alliance. Elle était toujours gaie. Nous devînmes amis... J'ai eu plus d'une amitié de femme... Nous bavardions, je lui disais des choses inouïes, d'un scabreux ! Elle riait. Beau- coup de femmes aiment ces libertés de langage. Cela m'amusait particulièrement avec celle-ci, une jeune fille ! Elle avait un joli talent de modiste, dont elle se servait par complaisance pour ses amies, n'acceptant que des cadeaux. Quant au colonel, celui-là affectait de ne rien accepter en aucune circonstance, c'était une des auto- rités de l'endroit. Il vivait largement. Toute la ville était reçue chez lui : il donnait des bals et des soupers. Lors de mon entrée au bataillon, il n'était bruit dans toute la ville que de l'arrivée prochaine de la seconde fille du colonel. Elle passait pour une beauté parfaite. Elle venait d'achever ses études dans une pension aristocra- tique de la capitale. C'est Katherina Ivanovna. Elle est fille de la seconde femme du colonel, laquelle était d'ori- gine noble. Les plus grandes dames du heu, deux femmes de général, une femme de colonel, toutes enfin lui firent fête, on l'invitait partout ; elle était la reine de tous les bals, de tous les soupers. Un soir, chez le commandant de la batterie. Katherina Ivanovna me toisa du regard. Je ne m'approchai pas d'elle, je dédaignai de lui être présenté. Puis, longtemps après, dans la soirée, je lui dis quelques mots. Elle me regarda à peine, avec mépris. « Allons, pensai-je, je me vengerai. » Je sentais bien que Kategnka

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