Alioscha remarqua une demi-bouteille de cognac et un petit verre.
— C’est du cognac ! s’écria Mitia en riant à gorge déployée. Tu vas dire : Il continue à boire ! Ne te forge pas de telles illusions.
N’accueille pas les vaines pensées d’une foule éprise de mensonge. Laisse là tes soupçons…
Je ne bois pas, je sirote, comme dit ce cochon de Rakitine, ton ami. Assieds-toi. Je voudrais, Alioscha, te serrer dans mes bras à t’écraser, car, véritablement, vé-ri-ta-ble-ment, crois-moi ! je n’aime que toi au monde.
Il prononça ces mots avec exaltation.
— Que toi, et encore une salope dont je me suis amouraché pour ma perte. S’amouracher, ce n’est pas aimer. On peut s’amouracher et haïr, rappelle-toi cela. Maintenant parlons sérieusement. Assieds-toi à table, près de moi, que je te voie. J’ai à te parler. Toi, ne dis rien. C’est moi qui parlerai, car l’heure de parler a sonné… Mais tout bas, il faut que je te parle tout bas ; car il y a peut-être ici des oreilles que je ne vois pas. Pourquoi désirais-je te voir tout à l’heure et tous ces jours derniers ? C’est que tu m’es nécessaire… c’est que je veux tout te dire, à toi seul… C’est que, demain, commencera pour moi une vie nouvelle ! As-tu jamais eu, en rêve, la sensation de tomber du haut d’une montagne ? Eh bien, je tombe, moi, et réellement. Oh ! je n’ai pas peur, et toi non plus ; il ne faut pas avoir peur… c’est-à-dire, oui, j’ai peur, mais cette peur m’est douce… c’est-à-dire, pas douce, mais c’est de l’ivresse… Et puis au diable ! Qu’importe ! Ame forte, âme faible, âme de femme, qu’im-