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I

Les débuts du fonctionnaire Perkhotine

Piotr Ilitch Perkhotine, que nous avons laissé frappant de toutes ses forces à la porte cochère de la maison Morozov, finit naturellement par se faire ouvrir. En entendant un pareil vacarme, Fénia, encore mal remise de sa frayeur, faillit avoir une crise de nerfs ; bien qu’elle eût assisté à son départ, elle s’imagina que c’était Dmitri Fiodorovitch qui revenait, car lui seul pouvait frapper si « insolemment ». Elle accourut vers le portier, réveillé par le bruit, et le supplia de ne pas ouvrir. Mais celui-ci ayant appris le nom du visiteur et son désir de voir Fédossia Marcovna pour une affaire importante, se décida à le laisser entrer. Piotr Ilitch se mit à interroger la jeune fille et découvrit aussitôt le fait le plus important : en se lançant à la recherche de Grouchegnka, Dmitri Fiodorovitch avait emporté un pilon et était revenu les mains vides, mais ensanglantées. « Le sang en dégouttait », s’exclama Fénia, imaginant dans son trouble cette affreuse circonstance. Piotr Ilitch les avait vues, ces mains, et aidé à les laver ; il ne s’agissait pas de savoir si elles avaient séché rapidement, mais si Dmitri Fiodorovitch était allé vraiment chez son père avec le pilon. Piotr Ilitch insista sur ce point et, bien qu’il n’eût en somme rien appris de certain, il demeura presque convaincu que Dmitri Fiodorovitch n’avait pu se rendre que chez son père et que, par conséquent, il avait dû se passer là-bas quelque chose.

« À son retour, ajouta Fénia, et lorsque je lui eus tout