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mère. Prends de l’eau dans la louche pour l’en asperger, comme je le faisais avec elle ; c’est à cause de sa mère, à cause de sa mère… murmurait-il à Ivan.

— Sa mère était aussi la mienne, je suppose, qu’en pensez-vous ? » ne put s’empêcher de dire Ivan, avec un mépris courroucé.

Son regard étincelant fit tressaillir le vieux, qui, chose bizarre, parut pour un instant perdre de vue que la mère d’Aliocha était aussi celle d’Ivan…

« Comment, ta mère ? murmura-t-il sans comprendre. Pourquoi dis-tu cela ? À propos de quelle mère ? Est-ce qu’elle… Ah ! diable ! c’est aussi la tienne ! Eh bien, où avais-je la tête, excuse-moi, mais je croyais, Ivan… Hé, hé, hé ! »

Il s’arrêta avec un sourire hébété d’ivrogne. Au même instant, un vacarme retentit dans le vestibule, des cris furieux s’élevèrent, la porte s’ouvrit et Dmitri Fiodorovitch fit irruption dans la salle. Le vieillard épouvanté se précipita vers Ivan :

« Il va me tuer ! Ne me livre pas ! » s’écria-t-il accroché aux pans de l’habit d’Ivan.


IX

Les sensuels

Grigori et Smerdiakov accouraient à la suite de Dmitri. Ils avaient lutté avec lui dans le vestibule, pour l’empêcher d’entrer, conformément aux instructions données par Fiodor Pavlovitch quelques jours auparavant. Profitant de ce que Dmitri s’était arrêté une minute pour s’orienter, Grigori fit le tour de la table, ferma les deux battants de la porte du fond, qui conduisait aux chambres intérieures, et se tint devant cette porte, les bras étendus en croix, prêt à en défendre l’entrée jusqu’à son dernier souffle. Ce que voyant, Dmitri rugit plutôt qu’il ne cria, et se précipita sur Grigori.

« Ainsi elle est là ! C’est là qu’on l’a cachée ! Arrière, gredin ! »

Il voulut écarter Grigori, mais celui-ci le repoussa. Fou de