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officielle, à Moscou, en grande cérémonie, avec les icônes. La générale nous bénit ; figure-toi qu’elle félicita même Katia : « Tu as bien choisi, dit-elle, je lis dans son cœur. » Quant à Ivan, il ne lui plut pas ; elle ne lui adressa aucun compliment. À Moscou, j’eus de longues causeries avec Katia ; je me peignis noblement, tel que j’étais, en toute sincérité. Elle écouta tout :

Ce fut un trouble charmant. Ce furent de tendres paroles…

Il y eut aussi des paroles fières. Elle m’arracha la promesse de me corriger. Je promis. Et voilà où j’en suis.

— Eh bien, quoi ?

— Je t’ai appelé, je t’ai amené ici aujourd’hui, rappelle-toi, pour t’envoyer ce même jour chez Catherine Ivanovna, et…

— Quoi donc ?

— Lui dire que je n’irai plus jamais chez elle, en la saluant de ma part.

— Est-ce possible ?

— Non, c’est impossible, aussi je te prie d’y aller à ma place, je ne pourrais pas lui dire cela moi-même.

— Et toi, où iras-tu ?

— Je retournerai à mon bourbier.

— C’est-à-dire chez Grouchegnka ? s’écria tristement Aliocha en joignant les mains — Rakitine avait donc raison. Et moi qui croyais que c’était seulement une liaison passagère !

— Un fiancé, avoir une liaison ! Est-ce possible, avec une telle fiancée et aux yeux de tous ? Je n’ai pas perdu tout honneur. Du moment où je fréquentai Grouchegnka, je cessai d’être fiancé et honnête homme, je m’en rends compte. Qu’as-tu à me regarder ? La première fois que je suis allé chez elle c’était dans l’intention de la battre. J’avais appris, et je sais maintenant de source sûre, que ce capitaine, délégué par mon père, avait remis à Grouchegnka un billet à ordre signé de moi ; il s’agissait de me poursuivre en justice, dans l’espoir de me mater et d’obtenir mon désistement ; on voulait me faire peur. J’avais déjà eu l’occasion de l’entrevoir : c’est une femme qui ne frappe pas dès l’abord. Je connais l’histoire de ce vieux marchand, son amant, qui n’en a plus pour longtemps, mais qui lui laissera une jolie somme. Je la savais cupide, prêtant à usure, fourbe et coquine, sans pitié ! J’allais donc chez elle pour la corriger et…