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Voilà, Messieurs : n’existerait-il pas en effet quelque chose de plus précieux à l’homme que ses intérêts les plus immédiats ? ou bien, pour parler conformément à la logique, n’existerait-il pas certain intérêt plus important que les autres, un de ces intérêts dont on ne tient pas compte, ainsi que je le disais, et pour lesquels, cependant, l’homme est capable d’aller, s’il le faut, contre la raison, l’honneur, la tranquillité, le bien-être, en un mot, contre tout ce qu’il est de plus beau et de plus utile, pourvu qu’il atteigne à cet avantage primordial. le plus important, le plus précieux de tous, à ses yeux… Ici, vous m’interrompez :

« Quoi qu’il en soit, c’est toujours un avantage ! »

Permettez, Monsieur, je vais m’expliquer, car il ne s’agit pas ici de jouer sur les mots. Sachez que cet avantage a précisément cela de remarquable qu’il ruine toutes les classifications et disloque tous les systèmes imaginés par les amis du genre humain pour son bonheur. Pour tout dire, il est fort gênant. Mais, avant de vous le nommer, je tiens à me compromettre moi-même en déclarant avec insolence que tous ces systèmes admirables, toutes ces théories qui prétendent expliquer à l’humanité ses intérêts normaux, afin qu’invinciblement entraînée à s’efforcer de les atteindre, elle devienne aussitôt généreuse et bonne, tous ces systèmes, jusqu’à présent, ne sont pour moi que des sophismes. Car, annoncer la rénovation du genre humain par