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amie, sa fille, son jouet même, s’il faut tout dire, mais réchauffe son cœur et fais cela pour l’amour de Dieu. Il est ridicule ? Il n’y songe même pas. Ce n’est qu’une moitié d’homme ? Plains-le, tu es une chrétienne. Force-toi : on parvient à se donner l’âme qu’il faut pour de tels exploits. Il est pénible de panser les blessures dans les hôpitaux, il est répugnant de respirer l’air vicié des lazarets : mais il y a des anges qui accomplissent sans dégoût ces tâches rebutantes, et qui remercient Dieu pour leur triste destinée. Voilà le remède qu’il fallait à ton cœur meurtri : une héroïque besogne ! Quel égoïsme vois-tu là ? quelle bassesse ? Tu ne me crois pas, tu penses que je joue la comédie, tu ne peux comprendre qu’une femme mondaine, dans ce milieu de vie légère, puisse avoir de si hauts sentiments ? Ne me crois pas, ma fille ! suspecte le cœur de ta mère ! mais conviens que mes paroles sont sages et salutaires. Oublie que c’est moi qui te parle, ferme les yeux, tourne-moi le dos