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ler vient ici très mal à propos ! Ne pourriez-vous parler simplement ?

— Tu ne me crois pas, Zina ! Ne me traite pas si mal, mon enfant ! Voilà deux, ans que je ne cesse de pleurer, mais j’ai caché mes larmes. Hélas ! j’ai bien changé, je t’assure, Zina, durant ces deux mortelles années !… Je connais depuis longtemps tes sentiments. J’ai mesuré toute l’étendue de ton chagrin. Peut-on m’accuser, mon amie, d’avoir considéré cette liaison comme une fantaisie romanesque, née sous l’influence de ce maudit Shakespeare ? Quelle mère blâmerait les mesures que j’ai prises et trouverait trop rigoureux mon jugement ? Et pourtant, pourtant, je me représente tes longues souffrances, je comprends et j’apprécie ta sensibilité. Crois-le : je te comprends mieux peut-être que tu ne fais toi-même. Je suis certaine que tu ne l’aimes pas, ce gamin ridicule : c’est ton rêve que tu aimes, ton bonheur perdu, tes illusions envolées. J’ai aimé, moi aussi, et plus pas-