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si légèrement ! On dirait un ragoût de plus exigé par la mode.

Un monocle dans l’œil, — dans celui précisément qui est en verre, — il est saturé de parfums. En parlant, il traîne sur certains mots, peut-être par impuissance sénile, ou parce que ses dents sont fausses, ou encore par élégance. Il prononce certaines syllabes avec une douceur extraordinaire et accentue la lettre e. Il a je ne sais quelle nonchalance qui lui reste de sa vie d’homme à bonnes fortunes. S’il n’a pas tout à fait perdu la tête, du moins il n’a plus de mémoire. Il se trompe à chaque instant, radote et bafouille. Il faut un certain esprit d’à-propos pour soutenir une conversation avec lui. Mais Maria Alexandrovna a conscience de ses forces, et la vue du prince la comble d’enthousiasme.

— Mais vous n’avez pas changé du tout, du tout ! s’exclame-t-elle en saisissant son hôte par les deux mains et en l’installant dans un fauteuil confortable. Asseyez-vous !