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gaspillant à différentes reprises son argent en des voyages à l’étranger, chantant des romances, faisant des calembours ; mais il ne se distinguait point par une intelligence hors ligne. À cette vie, il se ruina vite, et, quand vinrent les vieux jours, il resta sans un kopek. Quelqu’un lui conseilla d’aller dans son village, qu’on commençait déjà à vendre aux enchères. Il suivit ce conseil, et c’est à cette occasion qu’il passa six mois à Mordassov. La vie de province lui plut fort, et pendant ces six mois il acheva de se « nettoyer » en intrigues auprès des mondaines provinciales. C’était d’ailleurs un excellent homme, d’un faste princier (à Mordassov, le faste est la marque caractéristique de la plus haute aristocratie). Les dames surtout ne cessaient de se réjouir d’un hôte si charmant. Il laissa chez nous de très curieux souvenirs ; on racontait, entre autres bizarreries, que le prince passait la plus grande partie de la journée à sa toilette. Il semblait fait tout entier de petites pièces rapportées.