Page:Dostoïevski - Le Rêve de l’oncle, trad. Kaminsky, 1895.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vement. Son corps étique, planté sur de solides jambes de moineau, se dérobe sous les plis amples d’une robe en soie sombre qui craque toujours, car la colonelle ne peut tenir en place. C’est une méchante et vindicative commère. Elle est folle de cette pensée : « Je suis colonelle ! » Avec son mari, un colonel en retraite, elle se battait souvent : il portait sur son visage les marques des griffes de sa femme. Elle boit quatre petits verres de vodka le matin et autant le soir. Elle déteste follement Anna Nikolaïevna Antipova et Natalia Dmitrievna Paskoudina, qui l’ont chassée, il y a huit jours, de leurs salons.

— Je ne viens que pour un instant, mon ange, piaule-t-elle ; je ne veux même pas m’asseoir. Je suis venue seulement pour vous parler des étranges événements qui se passent. Ce prince a mis tout Mordassov sens dessus dessous. Nos aigrefins — vous comprenez — le poursuivent, le cherchent, le tirent de tous côtés, lui font boire du