— Quel imbécile ! s’écria la babouschka. Ah ! le vilain Français ! Va-t’en ! va-t’en ! Il n’y comprend rien et il se mêle de conseiller !
De Grillet, très vexé, leva les épaules, regarda la babouschka avec mépris et s’éloigna.
En une heure nous avions perdu les douze mille florins.
— Rentrons ! cria la babouschka.
Elle ne dit pas un mot jusqu’à l’allée qui conduisait à l’hôtel. Là, elle s’écria tout à coup : « Vieille sotte !… » À peine entrée, elle cria :
— Du thé ! et préparez tout : nous partons.
— Où daignez-vous aller, ma petite mère ? demanda Marfa.
— Est-ce que ça te regarde ? Potapitch, fais les malles, nous retournons à Moscou. J’ai perdu quinze mille roubles !
— Quinze mille roubles, ma petite mère !
— Allons ! imbécile ! as-tu fini de pleurnicher ? Vite la note et en route !
— Le premier train ne part qu’à neuf heures et demie, babouschka, lui dis-je pour calmer un peu son ardeur.
— Quelle heure est-il ?
— Sept heures et demie.
— Quel ennui ! Tant pis ! Alexis Ivanovitch, je n’ai pas un kopeck. Va me changer encore deux obligations, autrement je n’aurai pas de quoi partir.
Une demi-heure après, ma commission faite, je trouvai tous les nôtres, — à l’exception de Paulina, — chez la babouschka. La nouvelle de son départ les consternait plus encore que ses pertes. Il est vrai que son départ sauvait sa fortune ; mais qu’allait devenir le général ? Qui payerait de Grillet ? Mlle Blanche attendrait-elle la mort de la babouschka ? N’allait-elle pas partir avec le petit prince ou quelque autre ?…
Tout le monde s’efforçait donc de retenir la vieille dame ; mais elle criait à pleine voix :