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le joueur

— Allons donc ! Elle ne m’écouterait pas maintenant, s’écria-t-il avec un geste désespéré. Ah ! si… après…

— Ô mon cher Alexis, soyez assez bon… — me dit à son tour Mlle  Blanche elle-même, en me serrant fortement les deux mains.

Que le diable l’emporte ! Cette figure de démon savait changer en un instant. Elle était alors si charmante, si enfant, si espiègle ! Elle me lança encore un regard furtif, que les autres ne purent voir… Que voulait-elle ?… Mais c’était un peu trop primitif et trop simple…

— Alexis Ivanovitch, reprit le général, pardonnez-moi le ton que j’ai pris tout à l’heure. Ce n’est pas ainsi que je voulais vous parler. Je vous en prie, je vous en supplie, laissez-moi vous saluer jusqu’à la ceinture, à la russe. Vous seul pouvez nous sauver. Mlle  de Comminges et moi nous vous supplions. Comprenez, comprenez donc ! ajouta-t-il en me montrant du coin de l’œil Mlle  Blanche.

Il était dégoûtant !

Trois coups discrets furent frappés à la porte. C’était un domestique qui précédait Potapitch. Tous deux étaient envoyés par la babouschka. On me cherchait, on me voulait tout de suite, on se fâche, me dit Potapitch.

— Mais il n’est pas trois heures et demie !

— Elles[1] n’ont pas pu s’endormir, elles étaient agitées, puis elles se sont levées, ont demandé le fauteuil et ont envoyé vous chercher. Elles vous attendent sur le perron…

— Quelle mégère ! s’écria de Grillet.

En effet, la babouschka m’attendait. Elle était hors d’elle-même d’impatience. Nous allâmes aussitôt à la roulette.

  1. Les domestiques russes parlent toujours de leur maître au pluriel.