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le joueur

comme tous les autres assistants, qui parlaient entre eux en se montrant la babouschka. Plusieurs s’approchèrent pour la mieux voir. M. Astley parlait d’elle avec deux de ses compatriotes. Les dames l’examinaient avec curiosité. De Grillet était aux petits soins pour elle.

— Quelle victoire ! disait-il.

— Mais, madame, c’était du feu ! ajouta avec un sourire obséquieux Mlle  Blanche.

— Eh ! oui, voilà. J’ai gagné douze mille florins. Sans compter l’or : avec l’or ça doit faire treize. Six mille roubles de notre monnaie, hein !

— Plus de sept mille, lui dis-je ; peut-être huit au cours actuel.

— Ce n’est pas une plaisanterie, huit mille roubles ! Potapitch, Marfa, avez-vous vu ?

— Ma petite mère ! mais comment avez-vous fait ? s’exclamait Marfa. Huit mille roubles !

— Voilà cinq louis pour chacun de vous.

Potapitch et Marfa se précipitèrent pour lui baiser les mains.

— Donne un louis à chacun des porteurs, Alexis Ivanovitch. Ce sont des laquais, ces gens-là qui me saluent ? Donne-leur un louis à chacun.

— Madame la princesse… un pauvre expatrié… malheurs continuels… Ces princes russes sont si généreux !

C’était un homme vêtu d’un veston usé, d’un gilet de couleur, qui tournait autour du fauteuil en tenant sa casquette très haut au-dessus de sa tête.

— Donne-lui aussi un louis… non, deux louis. Assez maintenant, nous n’en finirions plus. Levez-moi et marchons ! Praskovia, je t’achèterai demain une robe ; et à l’autre… comment donc ? Mlle  Blanche, je lui achèterai aussi une robe. Dis-le-lui en français, Praskovia.

— Merci, madame, fit Mlle  Blanche avec un sourire ironique et gracieux en clignant de l’œil à de Grillet et au général.