En un jour je fus prête, et c’est la semaine dernière que je me suis mise en route avec Potapitch et Fédor, mon laquais, dont je me suis défaite à Berlin, car il m’était inutile. En effet, je prenais toujours un wagon à part, et quant à des porteurs, on en a partout pour vingt kopecks. — Hé ! hé ! quel bel appartement ! Avec quoi payes-tu ça, mon petit père ? Toute ta fortune est engagée, je le sais. Rien qu’au petit Français, combien dois-tu ? Je sais tout, je sais tout.
— Mais, chère tante… commença le général tout confus. Mais… je suis étonné… Il me semble que je n’ai pas de contrôle à subir… et d’ailleurs mes dépenses ne dépassent pas mes moyens.
— Vraiment ? Mais tu as volé jusqu’à tes enfants, toi, leur tuteur !
— Après de telles paroles… commença le général indigné, je ne sais vraiment plus…
— En effet, tu ne dois guère savoir que dire. Tu ne quittes pas la roulette, n’est-ce pas ? On t’a mis à sec ?
Le général était si ému que la respiration allait lui manquer.
— À la roulette ! moi ! avec mon grade ! Moi ! Mais vous êtes sans doute encore malade, ma tante. Revenez donc à vous !
— Comédie ! comédie ! Je suis sûre qu’on ne peut pas t’arracher de la roulette. Je veux voir, moi aussi, ce que c’est que cette roulette, et dès aujourd’hui. Voyons, Praskovia, raconte-moi ce qu’il y a à voir, et toi aussi, Alexis Ivanovitch. Et toi, Potapitch, note bien tous les endroits où il faut aller.
— Il y a, tout près d’ici, les ruines d’un château, répondit Paulina, puis il y a le Schlagenberg.
— Qu’est-ce que c’est, ce Schlagenberg ? Une forêt ?
— Non, une montagne.
À ce moment, Fédossia vint présenter à la babouschka les enfants du général.