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le joueur

enfants jouaient à quelques pas, nous étions seuls. Nous parlâmes d’abord d’affaires. Paulina se fâcha net, quand je lui remis sept cents guldens[1]. Elle comptait qu’on m’en eût donné deux mille comme prêt sur ses diamants.

— Il me faut de l’argent coûte que coûte ou je suis perdue.

Je lui demandai ce qui s’était passé durant mon absence.

— Rien, sauf qu’on a reçu de Pétersbourg deux nouvelles ; d’abord que la grand’mère était au plus mal, puis, deux jours après, qu’elle était morte. Cette dernière nouvelle émanait de Timothée Petrovitch, un homme très sûr.

— Ainsi tout le monde est dans l’attente.

— Depuis six mois on n’attendait que cela.

— Avez-vous des espérances personnelles ?

— Je ne suis pas parente, je ne suis que la belle-fille du général. Pourtant, je suis sûre qu’elle ne m’a pas oubliée dans son testament.

— Je crois même qu’elle vous aura beaucoup avantagée, répondis-je affirmativement.

— Oui, elle m’aimait. Mais pourquoi avez-vous cette idée ?

Je lui répondis par une question :

— Notre marquis n’est-il pas dans ce secret de famille ?

— En quoi cela vous intéresse-t-il ?

— Mais, si je ne me trompe, dans le temps, le général a dû lui emprunter de l’argent.

— En effet.

— Eh bien ! aurait-il donné de l’argent s’il n’avait pu compter sur la babouschka ? Avez-vous remarqué qu’à table, à trois reprises, en parlant de la grand’mère il l’a appelée la babouschka ? Quelles relations intimes et familières !

  1. Monnaie autrichienne valant 2 fr. 50.